Plusieurs besoins, une solution : le Camp Leap Frog

Volume 9, numéro 2, 2011

Il est souvent question ces dernières années du manque de professionnels de la santé. Qu’on pense à l’orthophonie, l’ergothérapie ou encore la physiothérapie, une pénurie se fait sentir dans plusieurs milieux. Plusieurs solutions sont proposées et entreprises, mais l’une des plus évidentes est de former davantage d’étudiants à l’université. Une grande part de la formation est constituée de stages en milieu clinique ; or, il peut s’avérer difficile, étant donné la pénurie, d’assurer des places de stage de qualité à tous les nouveaux étudiants. C’est dans ce contexte que le Camp Leap Frog (« Camp Saute-mouton ») prend place, car il crée pas moins de six places de stage (deux dans chacune des disciplines mentionnées, soit orthophonie, ergothérapie et physiothérapie). Et ce n’est évidemment pas le seul besoin que comble ce projet.

Le Camp Leap Frog est un camp d’été qui offre des services de réadaptation à des enfants atteints de handicaps multiples légers à modérés, incluant les diagnostics suivants : retard de langage, retard de motricité fine ou globale, retard global, autisme et dystrophie myotonique congénitale. Il est important de souligner que ces enfants ne sont pas éligibles à recevoir des services dans le système de la santé, étant donné que leurs problèmes ne sont pas qualifiés de sévères. De ce point de vue, l’impact de ce programme sur les familles et la communauté est donc important. Des 47 enfants référés au projet par la Commission scolaire Lester B. Pearson, les CLSC,  l’ergothérapeute et la physiothérapeute impliquées dans le projet, 12 enfants âgés de 4 à 6 ans ont été sélectionnés après le processus de dépistage. Ils ont participé au Camp Leap Frog à raison de 5 demi-journées par semaine pendant 6 semaines, au cours de l’été 2010. Le camp les a outillés et préparés à la transition vers l’école avant qu’ils n’entrent à la maternelle ou en première année, d’où le nom du camp : Leap Frog, ou saute-mouton, en français          

Voici à quoi ressemble une journée typique au Camp Leap Frog. En avant-midi, les enfants participent à des activités en groupe ciblant des habiletés dont ils auront besoin pour bien fonctionner à l’école, comme la coordination œil-main, l’équilibre ou encore les habiletés de prélecture. Des objectifs individuels sont fixés pour chaque enfant, selon leurs besoins particuliers. Ainsi, la journée peut commencer par une activité de bricolage animée par un stagiaire en ergothérapie, puis les enfants se rendent au gymnase pour une activité de gymnastique préparée par un stagiaire en physiothérapie, pour se terminer par la lecture d’une histoire en cercle avec un stagiaire en orthophonie. Aussi, les déplacements et les pauses-collation sont autant d’occasions de préparer les enfants à l’intégration à l’école. Les enfants reçoivent également des thérapies individuelles en orthophonie, physiothérapie et ergothérapie pendant la semaine, selon les besoins. Cette organisation permet aux stagiaires des différentes disciplines d’apprendre à travailler en interdisciplinarité (c’est-à-dire différents professionnels travaillant à des buts communs pour le client) et même en transdisciplinarité (c’est-à-dire différents professionnels intervenant au cours de la même rencontre auprès du client). Il s’agit pour ces étudiants d’une chance unique d’expérimenter ces modèles de travail d’équipe, qui deviennent de plus en plus importants dans les différents milieux, mais que peu d’étudiants ont la chance de rencontrer en stage. En après-midi, les stagiaires préparent les activités pour les journées à venir et effectuent le suivi des progrès des enfants dont ils sont le responsable. Des conférences sur différents sujets pertinents à la pratique ou à la clientèle (par ex., le multiculturalisme ou la gestion de comportement) ont aussi lieu une fois par semaine en après-midi.

Grâce à un partenariat avec la Commission scolaire Lester B. Pearson, les enfants et les intervenants ont pu bénéficier de matériel, d’équipements sportifs, de collations et d’un lieu où installer le camp d'été, soit Riverview Elementary School, à Verdun. Dre Susan Rvachew, directrice du projet et professeure-chercheure à l’Université McGill, a tenu à souligner en entrevue le grand rôle qu’a joué madame Deborah Gross, directrice de cette école primaire, dans l’accomplissement du projet.

Les réactions des différentes personnes impliquées ont été plus que positives. Les parents des enfants se sont montrés extrêmement reconnaissants des services qu’ils ont reçus pour leur enfant. Rappelons-nous que ces enfants ne satisfont habituellement pas les critères d’éligibilité aux services publics. Les superviseures cliniques, soit une ergothérapeute, une physiothérapeute et une orthophoniste, se sont énormément impliquées dans le projet et certaines se sont même proposées comme bénévoles pour les camps des années subséquentes. Enfin, les étudiants stagiaires ont grandement apprécié leur expérience. Dikla Amar, récemment diplômée en orthophonie, se rappelle combien elle a appris de son interaction avec les étudiants d’autres disciplines : « I enjoyed working in a multidisciplinary team very much. I did not find it hard, but rather a great opportunity to learn from others and share my knowledge. » (J’ai été heureuse de travailler dans une équipe multidisciplinaire. Je n’ai pas trouvé cela difficile ; j’ai plutôt trouvé que c’était une belle occasion d’apprendre des autres et de partager mes connaissances.)

En somme, le Camp Leap Frog répond à plusieurs besoins dans la communauté. D’une part, il fournit six nouvelles places de stage dans un contexte où plus de professionnels de la santé, notamment en orthophonie, ergothérapie et physiothérapie, doivent être formés pour combler une pénurie. De plus, il crée un environnement unique en son genre pour que les stagiaires apprennent à travailler en équipe interdisciplinaire dans un contexte où la complexité des cas est contrôlée. D’autre part, le camp apporte des services importants à des enfants à risque d’éprouver des difficultés scolaires, mais qui ne reçoivent habituellement pas de services. Il s’agit donc sans conteste d’un projet qui devrait être poursuivi dans les années à venir.

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